DUFFIÉ et LE MONUMENT à SA MÉMOIRE

Par GEORGES N. BLISS (Capitaine de compagnie du 1er régiment de cavalerie de Rhode Island ) édité par la Société Historique des Soldats et des Marisn du Rhode Island - 1889/1890


AVERTISSEMENT
Publiée en 1890, cette biographie contient de nombreuses contre vérités sur la période "Française" d'Alexandre Napoléon Duffié. Le témoignage vaut surtout pour les souvenirs de campagnes lors de la guerre de Sécession. Sa carrière dans l'armée française et les circonstances de son départ pour l’Amérique en 1859 ont été rétablies grâce aux recherches menées par Alexandre Tran Ba Tho et Jean-Claude Reuflet, avec l’aide d'informations fournies par Edouard Duffié d'Anglemont et Eric Wittemberg (Ohio).
On notera que Alexandre Napoléon est systématiquement prénommé Alfred dans ce qui suit. Ceci provient évidemment des circonstances de son départ vers l’Amérique.

ALFRED NAPOLÉON DUFFIÉ naquit à Paris, le 1er mai 1835. Il était élève à l'école de Sainte Barbe de sa cinquième à sa dixième année, puis, il resta pendant sept ans à l'Académie Militaire préparatoire à Versailles. En 1852, il débute un itinéraire régulier d’études à l'Ecole Militaire de Saint-Cyr, à Versailles. A l’automne 1851, il est un des 220 admis sur les onze mille candidats examinés.
Après deux ans à Saint Cyr, il termine son itinéraire et passe les examens. Il est nommé lieutenant dans l'armée française et envoyé immédiatement dans le service actif. D’abord en Algérie et plus tard au Sénégal, en Afrique, où il fut blessé au combat.

Il partit en Crimée et participa aux combats durant les batailles de l’Alma, d'Inkerman, de Balaklava, de Chernaia, de Gangel et de Sébastapol. Il fut plusieurs fois blessé et fut promu au grade de premier lieutenant dans le cinquième régiment de Hussard.
À l'issue de la guerre russe, en 1856, il retourna en France et servit avec son régiment jusqu'à ce qu il soit appelé pour combattre durant la guerre contre l'Autriche. Une blessure grave le contraint à quitter le champ de bataille pour l'hôpital, mais non sans avoir participé aux batailles de Palestro, Magenta et de Solférino.

Pendant son service en Afrique et en Europe, Duffié fut blessé huit fois et reçut quatre décorations militaires ainsi que la croix de la Légion d'Honneur de son propre pays ; la croix sarde par l'empereur de la Sardaigne qui le décora lui-même alors qu’il gisait, blessé ; la croix turque du Sultan et la croix anglaise de Victoria.

Un effort a été fait pour obtenir de la veuve et du fils du général un compte-rendu plus complet et plus satisfaisant de sa vie avant qu'il ait quitté l'Europe pour l'Amérique. Mais bien que désireux d’aider, ils n’ont eu aucune information à ajouter aux publications déjà faites dans cet Etat.
Une lettre récente du fils, Daniel P. Duffié, relate l'incident suivant :
Pendant la guerre de Crimée, autrefois, alors que les puissances russes et alliées étaient très près l'une de l'autre, un officier russe (un épéiste célèbre) défia l'ennemi dans un combat simple. Mon père releva le défi et tua le Russe.
Pour son habileté et son courage à cette occasion et pour d’autres actes courageux pendant ses deux années de service dans la guerre de Crimée, il a reçu du Sultan de la Turquie la médaille de Medjidié ainsi que l’expression des remerciements (en reconnaissance de ses services), signée du Sultan et admirablement écrite dans l'or en lettres rouges sur du vélin.
Quand, interrogé par ma mère “si il ne se sentait pas désolé d’avoir tué le Russe”, il répondit, "Pourquoi, non ! Si je n'avais pas détruit le diable, le diable m'aurait détruit!"

A l’automne 1859 il vint aux Etats-Unis dans le but de visiter Saratoga pour le bien de sa santé. A la manifestation de la Rébellion, il accepta le titre de capitaine dans le Premier de Cavalerie du New Jersey.
En juillet, 1861, il fut nommé commandant de la cavalerie légère de Harris, un régiment de New York, dans lequel il se distingua pour son efficacité à l’entraînement et sa bravoure au combat.
Le 5 juillet, 1862, il assuma le commandement du Premier de Cavalerie de Rhode Island comme colonel. L’Aumônier Frédéric Denison, auquel je suis redevable pour ses travaux en tant qu’historien du régiment pour préparer cet article, décrit ainsi son allure à cette époque :
"Il est de stature moyenne, élancé, d’ossature légère, d’un naturel nerveux, le teint foncé, les yeux noisette foncé, les cheveux noirs, athlétique en activité, drôle dans son style, strict dans la routine, exigeant sur la discipline et complètement abouti dans son métier."
À ce moment, il y eut un grand mécontentement devant l'acte du Gouverneur Sprague de nommer à ce poste un étranger pour commander le régiment. Cela eut pour résultat la démission de leurs gradés à l’exception de quatre des officiers du Rhode Island (Nous eûmes ensuite quatre compagnies du New Hampshire). A l’évidence, un sentiment d’hostilité parcourait les rangs.
Dans de tels moments d'agitation les aumôniers ne sont pas toujours discrets. En conséquence, pour son premier jour dans le camp, avant que le coucher du soleil, le colonel Duffié convoqua cet officier et dit : "Aumônier, je comprends que vous avez agité un esprit de mutinerie dans mon régiment. Je vous mets aux arrêts dans votre tente. Je suis vraiment désolé de commencer par le serviteur de Dieu, mais je dois commencer quelque part." L'arrestation fut de courte durée, et, en quelques jours, il n'y eut pas de meilleur ami que le colonel et l'aumônier.
Quelques heures après la prise de commandement, le colonel rassembla les officiers sous sa tente et leur indiqua : "Je comprends que la plupart d'entre vous ait envoyé leur démission. Je vous donne quatre jours pour renvoyer et retirer vos démissions ; si vous ne les retirez pas elles seront acceptées. Je resterai avec vous pendant quatre semaines ; si vous ne m'aimez pas alors, je vous donne ma parole que je démissionnerai." À deux ou trois exceptions, les démissions furent retirées.
L'ordre suivant fut émis :

QUARTIER GÉNÉRAL, PREMIER de CAVALERIE de RH0DE ISLAND, MANASSAS, 10 juillet 1862

Aux officiers et soldats du premier de Cavalerie de Rhode Island :

En prenant le commandement de ce régiment en tant que votre colonel, j'ai été peiné et chagriné de voir une répugnance de votre part à recevoir un étranger, manifestée d'une telle façon qui ne laissait aucun doute quant à vos sentiments. S'il a plu à votre bien aimé gouverneur et au Ministère de la Guerre à Washington de changer la construction de votre service exécutif, comme des bons soldats, patriotes et défenseurs de la grande et sainte cause qui anime maintenant tous les véritables cœurs américains, il est de votre impérieux devoir envers Dieu et les hommes, pour la cause de la liberté humaine partout dans le monde, pour chaque élan courageux, pour chaque espoir de paix et de bonheur pour vous-mêmes et votre descendance, de noyer toutes vos considérations personnelles dans un grand holocauste, dont les flammes illumineront un monde, et dont la fin sera l’Union. Quant à moi, je vous aime. Vous avez tout le matériel pour réussir. Je ne le dis pas dans un petit esprit de pur compliment, ni le plus mince irrespect pour votre ancien commandant, que des circonstances indépendantes de sa volonté devait avoir empêché de vous faire profiter d’avantage de son incontestable connaissance militaire mais je vous aime, et je vous dis ici , à cet endroit même, que si vous voulez me donner tout votre temps et votre travail pour l’espace de quelques semaines, j'y ajouterai mes meilleurs efforts pour vous amener immédiatement à la fierté et à la gloire de votre courageux Etat et de la nation.
Soldats ! M'entendez-vous ? Soldats ! Me répondez-vous ? Dites, oui ! Et ne craignez pas le résultat !
Signé : A. N. DUFFIÉ, Colonel Commandant.

L'ardeur et la compétence du nouveau commandant ont été senties immédiatement dans tout le régiment, et en quelques jours, les officiers et les hommes ont été convaincus qu'aucune erreur n'avait été faite lors de cette nomination.
Le 9 août, 1862, le régiment était sous le feu à la bataille de Cedar Mountain, en Virginie, et la valeur de l’exercice et de la discipline de notre nouveau colonel éprouvée. Sous un feu nourri d'infanterie et d'artillerie, le régiment s’est déplacé et a formé plusieurs lignes de bataille avec autant de sang-froid et de précision qu’à l’entraînement. Le régiment fut complimenté par le Général Banks pour son bon comportement au combat.
Dès ce jour, il a toujours été prêt à suivre Duffié en toute confiance partout où il pouvait le conduire.
Le 28 août 1862, près de Groveton, en Virginie, le régiment, alors qu’il agissait en tant qu’avant-garde, devint la cible des 18 fusils de l'artillerie de l’armée de Jackson. Un homme, abasourdi par le déchaînement des éclats d’obus, lança son cheval à un trot ; immédiatement la voix de Duffié résonna "mettez ce cheval pas ; un homme fuit, tout le monde fuit." L’ordre fut obéi et, au pas, le régiment se déplaça vers une nouvelle position et donna à nos propres fusils une occasion de répondre à l'ennemi.
Les 29 et 30 août, sur le terrain de ce qui a été la deuxième bataille de Bull Run, l'engagement ayant été presque sur le même terrain que celui de la bataille de 1861, le régiment fut remarquable dans la précision de ses mouvements. Quand l'armée se retira vers Centreville vers le sud, Duffié recula lentement, organisant les lignes de bataille successives avec son régiment.
A Chantilly, en Virginie, le 1er septembre 1862, le Premier de Rhode Island se déploya en tirailleurs et fut le premier à essuyer le feu de l'ennemi. L'ordre qui suit, un compliment au régiment, est également un hommage à la compétence du commandant :

QUARTIER GÉNÉRAL, PREMIER de CAVALERIE de RHODE ISLAND POOLEVILLE, MARYLAND, le 5 Octobre 1862. (Ordre Spécial, N°.-)

Attirant l'attention du régiment sur la dernière campagne du Potomac vers le Rapidan et le retour , votre commandant souhaite vous assurer des hautes éloges qui ont été adressées par des officiers haut gradés et experts militaires, pour l’excellente façon avec laquelle vous avez tenu votre place lors de cette retraite à jamais mémorable du Rapidan au Potomac.
Les derniers soldats fédéraux à quitter le Rapidan ; les derniers à quitter le Rappahannock ; les derniers à quitter Warrenton et ses alentours ; dans nombreuses des plus difficiles batailles, plusieurs fois sous le feu, toutes les autres fois aux avant-postes ou tout autre devoir périlleux ; dans presque toutes les marches à l’arrière-garde de la grande armée de la Virginie ou dans une colonne principale - vous n'avez jamais hésité ; vous ne vous êtes jamais pressés, mais, doucement et en bon ordre, comme à la parade, vous avez battu en retraite quand obligés de reculer à contre-coeur face à l'ennemi supérieur en nombre. A chaque fois.
Le 30 août, à Bull Run, il est particulièrement vrai que, quand environ des milliers, dans la plus terrible confusion, s'échappaient aussi rapidement et du mieux qu'ils le pouvaient, vos mouvements furent plus fermement et parfaitement exécutés que je ne l’ai jamais vu n’importe quelle autre fois. C'est si vrai que vous ici, par votre belle allure, vous avez attiré la confiance de vos frères sans commandement et bientôt, derrière vos rangs il s’en trouvait huit cents qui semblaient implorer votre protection.
Les généraux des divisions ont été dans l’attente de nos services, et beaucoup de demandes leur ont été faites. Vous avez supporté la fatigue et les privations sans murmurer. Vous êtes connus et appréciés dans les quartiers convenables. Soldats ! Votre témoignage est une fierté. Assurez-vous qu'il ne soit pas souillé !
A. N. DUFFIÉ, colonel.

Le régiment était de garde le long de la ligne du fleuve Potomac durant la bataille d'Antietam et, le 22 octobre 1862, il pénétra en Virginie avec l'avance de l'armée de McClellan. Près de Warrenton, une partie du régiment fut engagé le 11 novembre, dans une courte escarmouche avec une force de cavalerie rebelle pendant laquelle colonel Duffié fit tomber un cavalier rebelle d’un tir de carabine et ensuite délivra l'ordre suivant :

(Ordre Spécial. N°-.)
Aux officiers et aux hommes du premier bataillon, à l’escadron du capitaine Manchester :

Votre colonel a la grande fierté de vous remercier pour la vaillante conduite du 11 novembre dernier. Votre charge vers le haut de la colline, face à l'ennemi supérieur en nombre, était un acte de courage et d’héroïsme rarement vu et aux résultats jamais égalés. Avec leurs rangs complètement cassés, ils ont été repoussés à plus de trois milles dans la plus grande confusion. Quand dans leur insolence ils se sont retournés, vous les avez attaqués de nouveau et les avez dispersés, libérant de ce fait cette partie de nos lignes de la désolation.
Le service dans la cavalerie est principalement une chose ingrate ; les fonctions périlleuses et difficiles, à la fois pour les hommes et les chevaux. C’est seulement par un esprit de courage et de sacrifice que nous pouvons obtenir des résultats, si importants en eux-mêmes mais qui apparaissent rarement au grand jour. Notre récompense est non dans les louanges enflammées des correspondants de l'armée, mais dans la conscience d'avoir fait notre devoir , que nos coups ont été pointus et décisifs, que nous avons effectué notre travail au bon moment et de la bonne façon. En un mot, que nous avons effectué le travail qui nous était proposé et accompli effectivement. Il dépend de cela que, dans les cercles militaires d’où les éloges tombent avec tant de reconnaissance à nos oreilles, nous sommes, et nous continuerons à être appréciés.
Ce régiment est à la fois ma joie et ma fierté. Je continuerai à lui donner mon attention constante, et, certain de votre coopération en tout, je l’élèverai au plus haut niveau de l'excellence et de l'efficacité. Chacun d’entre nous, nous pouvons nous permettre de croire au fond de nous-même que, des années plus tard, nous serons fiers de dire, "j'appartenais au Premier de Cavalerie de Rhode Island."
Je suis heureux de pouvoir remercier le Major Farrington l, le capitaine Manchester et les lieutenants Allen et Chase.
A. N. DUFFIÉ, colonel (commandant)

Le 7ème novembre 1862, le général Ambrose E. Burnside succéda à Mac Clellan comme commandant de l'armée du Potomac. Le premier jour de décembre suivant, , les régiments du Premier de Cavalerie de Rhode Island, le Premier de Cavalerie du Massachusetts et les Troisième et Quatrième Régiments de Cavalerie de Pennsylvanie ont été placés sous le commandement du Général de Brigade William W. Averill. Cette mise de la cavalerie dans des brigades aux côtés de Burnside était le début du mouvement vers la fusion de cette arme des forces militaires, qui aboutit finalement sous Hooker à la formation des corps de cavalerie.
Après avoir rejoint la brigade d'Averill, le colonel Duffié renouvela ses efforts pour perfectionner le régiment en connaissance militaire. Des copies des tactiques ont été achetées à l'usage des sous-officiers et les officiers furent pratiquement tous envoyés dans une école pour des soldats. Les sergents et les caporaux avaient leurs présentations habituelles sous les tentes des capitaines, et tous les officiers étaient fréquemment convoqués au quartier du colonel pour l'instruction et l'examen. Pendant l’exercice quotidien dans la compagnie, l'escadron et les formations du régiment ont testé les leçons du livre, et les résultats justifièrent pleinement l'ordre suivant :

QUARTIER GÉNÉRAL, PREMIER de CAVALERIE de RH0DE ISLAND, CAMP PRÈS DE FALMOUTH, VIRGINIE, 16 Janvier 1863. f (Ordres spéciaux, numéro 23.).

Compagnons-Soldats :
De nouveau, j’ai le privilège et la fierté de vous féliciter pour votre admirable tenue, l’entraînement et la discipline, en tant que régiment. Il m’a été accordé auparavant, en vérité, d’applaudir les efforts que vous avez fait pour devenir les premiers parmi la cavalerie dans le service.
Le 18 août dernier, le Général Roberts, chef de cavalerie dans l’équipe du Général Pope, a dit : "Bien que je n'aie aucune hésitation en disant que votre régiment est le meilleur que j'ai examiné jusqu'à présent, il reste beaucoup à faire." Depuis ce moment, l'éloge sans réserve des hautes instances militaires vous a été accordée à plusieurs reprises . Maintenant, pour couronner le tout, notre général le plus distingué et le plus estimé, commandant cette brigade, après l'inspection du l5 courant, dit : "C'est le meilleur régiment de ma brigade." Partageant également et de la même façon la possession glorieuse d'un tel prestige, nous devons tous veiller, avec un soin jaloux, à tenir contre vents et marées la position qui nous a été attribuée . Ne laissez aucune marque ou souillure tâcher la belle page ; et j’espère que bientôt, au-delà de la rivière qui nous sépare de notre ennemi, nous achèverons notre brillante réussite.
A. N. DUFFIÉ,
Colonel, Commandant le Premier de Cavalerie de Rhode Island.

Le 1 Mars 1863, le Général Averill eut ses forces armées augmentées par l'ajout de trois régiments. L'ensemble fut divisé en deux brigades, formant la deuxième Division, du Corps de Cavalerie de l'armée du Potomac. Le Colonel Duffié, bien que n'étant pas le colonel le plus âgé, fut nommé pour commander la première brigade, composée du premier Régiment de Rhode Island, du premier régiment du Massachusetts du quatrième régiment de New York et du sixième régiment de cavalerie de l'Ohio.
Le 17 Mars 1863, le Général Averill traversa le fleuve de Rappahannock à Kelley's Ford.
Ce jour la se déroula la première bataille de Cavalerie en Virginie. Là, le Premier de Rhode Island fut le premier dans chaque rencontre avec l'ennemi et Duffié a eu raison d'être fier de son régiment. Sur la rive droite du fleuve, l'ennemi, à l'abri d'une fosse à fusils, dominait le gué et repoussa le premier régiment. Alors, une section de dix-huit hommes du Premier de Cavalerie de Rhode Island, mis de côté par le lieutenant Simeon Brown, chargea sous un feu si nourri que seul le lieutenant et trois de ses hommes atteignirent la rive opposée, les autres ayant été arrêtés par des balles les blessant eux ou leurs chevaux. Il avait été montré que traverser la rivière pouvait être fait et le reste du régiment suivit, capturant vingt-cinq des ennemis avant qu'ils n'aient pu s'éloigner de la fosse à fusils vers leurs chevaux.
Dans ce combat, appelé la bataille de Kelley's Ford, le Général FitzHugh Lee commandait des rebelles. Le général J. E. B. Stuart était présent ; les meilleurs régiments de cavalerie de Virginie se trouvaient là pour rencontrer les Yankees mais à trois reprises le Premier de Rhode Island les chargea au sabre et fut chaque fois victorieux. Du côté de l'Union, le pertes totales s'élevèrent à 81 personnes. Quarante et un d'entre eux appartenaient au Premier de Rhode Island.
Le colonel Duffié était avec l'armée de Hooker durant la bataille désastreuse de Chancellorsville, mais n'était pas au combat au delà de quelques accrochages avec l'ennemi.
Le Général Hooker n'était pas satisfait du Général Averill et le releva de ses fonctions dans l'armée du Potomac ; le colonel Duffié prit le commandement de la division.
Le 9 juin 1863, Dans la grande bataille de cavalerie de Brandy Station, Duffié traversa le fleuve à Kelley’s Ford et mena sa division contre la cavalerie rebelle, la repoussant dans la confusion dans Stephensburg, infligeant des pertes considérables à l'ennemi en tués, blessés et prisonniers.
Près de Stephensburg, des forces armées ennemies furent trouvées entretenant une batterie sur laquelle notre batterie ouvrit le feu. Un de ses obus enleva une jambe du colonel M. C. Butler, maintenant sénateur des Etats-Unis de Caroline du Sud.
Duffié organisait rapidement ses hommes pour une attaque quand un ordre vint de faire demi tour pour Brandy Station. Nous marchâmes derrière toute la ligne de bataille de ce jour, retraversant le Rappahannock à Beverly Ford, plusieurs miles au-delà de l’endroit que nous avions traversé le matin. Après cette bataille, Duffié fut relevé de son commandement de la division et renvoyé au régiment. Il a semblé y avoir un certain mécontentement à propos de sa conduite, bien qu'il n’ait jamais été prouvé qu'il n'avait pas obéi à ses ordres et qu’il était certainement en train de manoeuvrer contre l'ennemi avec grand succès quand il fut contraint par les ordres de se retirer.
J'ai vu dans des papiers militaires que Duffié devait avoir marché vers un feu nourri à Brandy Station au lieu de de pousser en direction de Stephensburg mais ses ordres étaient de chasser l’ennemi de Stephensburg. Je suis incliné à penser que Duffié s’était justifié pour la bévue d'un autre officier sur ce terrain âprement disputé.
Tôt, le matin du 17 juin 1863, l'ordre suivant était reçu :

Au Colonel A. N. Duffié, Premier de Cavalerie de Rhode Island :

"Vous progresserez avec votre régiment de Manassas Junction par la route de Thouroughfare jusqu’à, Middleburg. Là vous camperez pour la nuit et communiquez avec le quartier général de la second brigade de cavalerie. De Middleburg vous continuerez jusqu’à Union ; de là jusqu’à Snickersville, de Snickersville jusqu’à Percyville ; de là pour Wheatland en passant par Waterford pour Nolan’Ferry où vous rejoindrez votre brigade."
Le régiment, fort alors de 280 hommes, affronta à Thouroughfare des troupes du de général de brigade W. N. F. Lee commandées par le colonel J. R. Chambliss. A ce moment-là, cette brigade était forte d’environ 1.200 hommes et une armée ennemie plus grande que la notre futt vue à Gap mais elle se replia alors que nos hommes poussaient courageusement en avant. La position fut emportée sans perte à l’exception de quelques chevaux tués par les balles des rebelles.
Laissant cette armée sur son arrière, Duffié marcha vers Middleburg , arrivant à 4 heures de l’après-midi, où le Général Stuart avait son quartier général avec trois compagnies comme garde du corps. La charge de nos hommes furent les premières nouvelles que Stuart eut de notre mouvement et il fut conduit en hâte hors de la place, échappant de très peu à la capture.
L’ordre était de camper ici pour la nuit et de communiquer avec les quartiers généraux de la seconde brigade de cavalerie. Le capitaine Frank Allen, avec deux hommes, fut envoyé à Aldie, avec une dépêche détaillée de la situation et une demande de renforts. Après plusieurs retards dus à des rencontres avec l'ennemi, son message fut délivré sans encombre à 9 heures du matin mais aucun effort ne fut fait par nos généraux pour envoyer des troupes à l'avant.
Quand nous occupâmes pour la première fois Middleburg, Aldie, à cinq miles sur notre arrière, fut retenu par la brigade de Fitz Lee's commandée par le colonel T. T. Munford, brigade contre laquelle le corps de cavalerie de Pleasanton avait été lancé, charge après charge, et repoussé avec de lourdes pertes. A peine avions nous chassé Stuart de Middleburg, qu’il envoya des ordres à Munford de quitter Aldie et de le rejoindre. Il ordonna également à Chambliss de faire marche de Middleburg vers Salem. Le Général Stuart lui-même continua vers Rector's Cross Roads, à huit miles à l'ouest de Middleburg, où la brigade de Robertson, forte de 1.000 hommes, était stationnée. Il retourna immédiatement auprès d’elle. C’est ainsi que toute la cavalerie de l’armée de Stuart marcha sur notre petit régiment.
A 7 heures du matin, la brigade de A.M. Robertson nous chargea et ne remporta pas une victoire facile. A trois reprises, il fut repoussé mais la supériorité en nombre l’emporta finalement et Duffié fut contraint de quitter la ville.
Duffié recula de deux miles et fit halte pour la nuit dans des bois près de Little River où, avec des chevaux sellés et des hommes en armes, il attendit le lever du jour, espérant des renforts. C'était une erreur fatale. Son unique espoir était d’échapper à l'ennemi qui approchait de toutes parts en tentant sa sortie de nuit.
Mais il était un français, il sentit qu’il devait obéir aux ordres et ne pouvait pas prendre la responsabilité de se servir de son propre jugement comme un officier de ce pays l’aurait fait dans cette situation désespérée.
Il écrivit plus tard : "Je pouvais certainement avoir épargné mon régiment dans la nuit mais mon devoir en tant que soldat et colonel m'obligeait à être fidèle à mes ordres. Pendant ces moments de réflexion, sachant que mon régiment était sacrifié et réfléchissant à tout cela pendant plus de cinq heures, mon cœur saigna en voyant les vies de ces hommes que j'avais sacrifiées tant de fois par la négligence et la totale distraction de mes officiers supérieurs. Mais au milieu de ma peine, j'ai trouvé une certain consolation en regardant la façon avec laquelle les garçons de Rhode Island combattaient."
Il prit le commandement de cette division de cavalerie à Staunton, en Virginie, fut fréquemment engagé contre l'ennemi commandé alors par le Major-Général Hunter dans sa progression sur Lynchburg, capturant plusieurs trains de wagons, un grand nombre de chevaux et cent prisonniers. Pendant la retraite à partir de Lynchburg, le général Duffié commanda pendant dix ou douze jours l’arrière-garde et, repoussant les attaques vigoureuses de l'ennemi qui le poursuivait, il amena le grand train de wagon de l'armée sans dommages à Charleston en Virginie Occidentale.
De Charleston, le général Duffié reçut l’ordre de marcher vers le Maryland et de rejoindre les forces opérationnelles contre le général Early puis de faire des incursions qui cessèrent devant les fortifications à Washington. Duffié trouva un des trains d'Early près du Potomac et captura deux cents hommes et trois cents wagons chargés avec une partie du pillage recueilli durant les raids ennemis.
Après que le Général Sheridan eut pris le commandement de nos forces dans Valley, Duffié fut maintenu en service actif avec sa division.
Le Général Sheridan apprécia les capacités remarquables de Duffie pour organiser, entraîner et préparer des recrues pour le service effectif et l’envoya à Cumberland dans le Maryland pour organiser une division de cavalerie dont le devoir était d’être opérationnelle bientôt et bien. A Hagerstown, il reçu l’ordre d’organiser une autre armée de cavalerie.
Le 21 Octobre 1864, Duffié trouva nécessaire de rendre visite à son officier commandant pour des instructions et, escorté par un escadron du Premier de Cavalerie de New York, il se rendit aux quartier général du Général Sheridan près de Fisher’Hill.
Au retour, quatre jours plus tard, le Général Duffié était muni d’une escorte à Winchester et prit avec lui, dans des ambulances, des officiers qui avaient été blessés à la bataille de Cedar Creek le l9 octobre.
Devenant impatient devant la lente progression requise pour le confort du blessé, il poussa à une plus grande vitesse dans un wagon privé, suivi par un détachement de seulement dix hommes.
A environ cinq miles de Winchester, Moseby, le guérillero rebelle, attendait avec trois cents hommes, guettant une opportunité de capturer un train de wagons espéré. Ses forces ouvrirent le feu sur le wagon qui approchait, tuant le chauffeur, les chevaux et blessant gravement le commandant de la police militaire, le capitaine Stevens.
Pour la première fois, le Général Duffié se retrouva prisonnier. Le Général Duffié arriva à Richmond début novembre et fut confiné à Libby où j'étais également prisonnier à ce moment-là. Comme j’avais été envoyé à l'hôpital à cause d’une blessure pas encore guérie, je n'eus pas le plaisir de rencontrer mon vieux commandant.
Duffié eut quelques ennuis avec Dick Turner, le geôlier, et fut enfermé dans une cellule pendant deux jours mais son séjour à Richmond fut de courte durée car il fut bientôt envoyé avec d'autres officiers à Danville, en Virginie, où il souffrit de la faim, du froid et mauvaises conditions indescriptibles de la vie d'un prisonnier dans la Confédération.
Duffié ne put pas supporter patiemment un tel ennui et il amena les prisonniers à effectuer leur libération dans un effort désespéré en capturant les gardes, dans l’espoir d’acquérir les armes entassées et de capturer la ville. Deux des gardes furent désarmés mais l’alarme fut donnée avant que les fusils n’aient pu être atteints ; une nuée de balles s’abattit sur la prison qui tua plusieurs hommes courageux et a mis un terme à tout l'espoir d'évasion.
Le 22 février 1865, Duffié fut libéré sur parole et consigné à Cincinnati où, le 20 mars il fut échangé.
Le 1er avril, il reçut l’ordre de rendre compte (faire un rapport) au Major-Général Pope au département militaire du Missouri. Il fut envoyé à Fort Gibson pour organiser une force de cavalerie de six mille cavaleries sous les ordres du Major-Général Blunt pour une expédition au Texas.
Le 25mai, alors que Duffié faisait route vers le Texas, le Général Kirby Smith rendit les armes avec son armée et la cavalerie reçut l’ordre de faire demi-tour.
Le 5 juin, elle était démobilisée à Lawrence au Kansas. Le Général Duffié fut dirigé sur la ville de New York et attendit les ordres. Le 24 août 1865, sur un ordre général du Ministère de la Guerre, il fut, avec 81 autres Major-Généraux et généraux de brigade, honorablement démobilisé.
Duffié épousa le 19 août 1860 Mary A. Pelton, fille de Daniel Pelton, de New Brighton Ouest, à Staten Island à New York. Quand la paix fut venue et qu’on n’eut plus besoin pour longtemps de ses services en tant que soldat, sa fortune était suffisante pour ses besoins. Une vie heureuse et honorable était apparemment devant lui dans son pays adoptif.
Sa santé, jamais solide après ses batailles européennes, avait été encore plus détériorée par sa vie de soldat dans notre service et particulièrement par son expérience comme prisonnier de guerre. Il souffrit considérablement d'asthme, et, dans l'espoir des avantages d'un climat plus favorable, il postula finalement pour une place comme consul. En mai 1869, il fut nommé à ce poste à Cadix en Espagne.
Après avoir quitté son domicile de Staten Island, sa santé s’améliora considérablement mais, même le climat d’Espagne ne put le guérir ; il put seulement retarder la progression de la maladie.
A l’été 1877, lors d’une brève visite dans ce pays, il vint à Providence sans prévenir de son intention par écrit quelques uns de ses vieux amis d’ici. Il essaya de trouver quelques-uns de ceux qu'il avait connus mais ceux qu’il cherchait étaient morts ou avaient quitté la ville.
Alors qu’il revenait d'une maison sur Benefit Street où pas même un domestique ne restait pour répondre à ses appels, il se sentit vraiment comme un étranger dans un pays étranger quand, soudain, un carrosse s’arrêta et le sergent David S. Ray, de son vieux régiment, le salua avec enthousiasme et le convainquit d'un bienvenu cordial.
Il fut bientôt entouré par une horde d'amis. Sa reconnaissance par un vieux soldat qui ne l'avait pas vu depuis treize ans réchauffa le cœur du général. Avec quel enthousiasme il le décrivit. "Il arrête son carrosse ; il saute ; il court à ma rencontre ; il me parle de tout."
Il fut pressé de retarder son départ de quelques jours, au moins jusqu'à ce que ses vieux vétérans puissent être avertis et se rallient autour de lui mais il ne pouvait rester qu’un jour. Alors, avec le Major Farrington, les capitaines Baker et Bliss, il descendit sur les terres de Squantum, et comme, malheureusement, ce n'était pas un jour de club, il essaya pour la première fois de faire un pique-nique à Silver Spring. Il y prit énormément plaisir, dit que cela valait le coup de venir d'Espagne et qu’il reviendrait l'année suivante.
A la fin du jour, il s’assit avec le Major Farrington, les capitaines Baker et Bliss à la table de son vieil aumônier, le révérend Frédéric Denison qui remarqua qu'il était le seul des cinq présents à avoir échappé à une blessure pendant la guerre contre la Rébellion. Nous ne pûmes le garder plus longtemps bien que réticents à nous séparer. Alors, nous l’escortâmes jusqu’à son bateau à New York. Nous le vîmes pour la dernière fois, debout sur le pont du vapeur qui partait, il fit des signes à ses vieux camarades, un adieu de soldat.
Après son retour à Cadix, il s’en alla sur avis médical à Cauterets, dans les Pyrénées, pour boire l’eau de cet endroit comme remède contre l'asthme mais la maladie se développa en tuberculose. Après quinze mois de souffrance, il mourut le 8 novembre 1880, après avoir donné aux Etats-Unis plus de onze ans de loyaux services comme Consul.
Aux réunions annuelles de son vieux régiment, on entend de nombreux souvenirs du commandant, désormais invisible au commun des mortels. Certains d'entre eux sont considérés dignes d’être préservés ici comme caractéristiques de l'homme.
Le Général Duffié essayait constamment d'améliorer sa connaissance de l'anglais et amusait continuellement ses officiers par ses efforts.
A l’automne 1862, le régiment reçut un certain nombre de recrues appelées par les vieux soldats "les hommes aux mille hommes," en allusion à l’argent de leur prime. La guerre démontra le fait curieux que “plus vous payez un homme moins il a d’importance” et ces nouvelles recrues, lorsqu’elles furent à court d’argent à dépenser auprès de l’intendance, commencèrent à occuper leurs nuits en dérobant leurs revolvers aux vieux soldats. Ils les vendaient à de simples soldats dans des nouveaux régiments d'infanterie campés près de nous.
Le colonel apprit ceci et, l'aumônier étant absent à ce moment, il décida de s’occuper lui-même de cette affaire. Le dimanche soir, à la fin du défilé en tenue, il s’adressa ainsi au régiment : "un homme, il vole le pistolet de son camarade ; il le vend à un fantassin ; il pense que personne ne le voit ; Dieu le voit ; Dieu le livre à l’enfer."
Personne ne rit alors mais après que le défilé eut rompu les rangs, le colonel fut très étonné par les rires bruyants qui parcouraient tout le camp. Il n’était pas conscient d’avoir dit quelque chose qui entraîne une telle conduite hilare.
Un jour, alors qu’il chevauchait en compagnie d’un autre officier, il lui dit : (them goose) "Voyez ces oies". Il fut informé respectueusement que l'expression appropriée était "ces oies."(Those geese). Ah ! dit-il, “des oies, des oies.(geese, geese). Je le dirai bien la prochaine fois.”
Peu de temps après, il eut quelques difficultés en instruisant le Quatrième de Cavalerie de New York dont le courageux colonel, Di Cesnola, était affligé par les officiers. Bon nombre d’entre eux savaient parler presque n'importe quoi sauf l'anglais et s’obstinaient à répéter dans différentes langues les ordres du colonel au lieu de donner les ordres justes en accord avec leur grade.
Pour le décrire, Duffié indiqua : "Le colonel du Quatrième de New York, quand il donne un ordre, tous les officiers redressent la tête, ils braillent comme une oies (one geese)." Quand informé qu’il avait faux à propos des oies, il s’exclama : "Mon Dieu ! quelle langue !"
Bien que le colonel n’utilisa pas toujours une langue qu’auraient approuvé des professeurs de College Hill, il n’eut aucune difficulté pour se faire comprendre ni ne manqua de faire valoir ses idées avec des illustrations justes.
Aux réunions des officiers sous sa tente, il les persuadaient de la plus sérieuse nécessité de se perfectionner en tout, eux comme les soldats, disant : “Vous pouvez tous faire quelque chose quand vous souhaitez vraiment le faire. Vous connaissez tous le capitaine Bliss, il n'est pas rapide. Il a pris un congé sans solde pour rentrer chez lui à Rhode Island. Mon Dieu ! Il est parti en un clin d’oeil !"
Le fils de Duffié, Daniel Pelton Duffié, né le 17 mars 1862, épousa Adèle Prudence Miner, le 30 octobre 1888. Avec la veuve, ils rejoignirent l’Association des Vétérans du Premier de Cavalerie de Rhode Island à l’inauguration du monument dont un compte-rendu complet sera trouvé en appendice de ce journal.
Un autre fils, Auguste Duffié, né le 13 août 1866, décéda le 5 septembre 1866.
En décembre, 1880, le corps de Duffié traversa l'Océan atlantique en pleine tempête. Chaque année, le jour du Memorial Day les soldats déposent sur sa tombe à Staten Island les fleurs du printemps et le drapeau qu’il avait si bien servi.
Espérons que lorsqu’il n’y aura plus de vétérans, leurs descendants déposeront annuellement des hommages semblables d’affectueux souvenir au cimetière du Nord sur la pierre que, le mercredi 10 juillet 1889, ses camarades survivants ont dédiée à la mémoire de Duffié.